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Introduction et généralités

Sarraltroff, Altrof dans le dialecte germanique, comme son nom l'indique, serait un très vieux village. Ce village mosellan situé sur la Sarre, dont le nom est d'origine celtique, là où elle reçoit son affluent la Bièvre ( du latin biberus qui veut dire castor), est un lieu de passage. Les vestiges archéologiques en témoignent. La tendance de tout occupant est d'essayer de faire oublier ceux qui les ont précédés et de les assimiler : les Romains ont absorbé les Celtes, mais la culture celtique et/ou germanique sont restées visibles malgré tout, jusqu’à nos jours, même si politiquement l'espace lorrain fut annexé par la France. L'Histoire de France fut donc longtemps étrangère à notre village, pendant presque 1000 ans. Il faut s'en souvenir pour la compréhension de l'histoire de notre localité. On y trouvera tour à tour les influences germaniques et françaises. Le dialecte germanique recule fortement depuis la dernière guerre et disparaitra peut être un jour et avec lui peut être aussi la mémoire de certains lieux et une certaine compréhension de notre identité.


Le village est situé dans la vallée de la Sarre avec au fond les Vosges et au premier plan le château de Sarreck,la plus vieille demeure médiévale de Moselle.

Le Nom et les Armoiries

Le nom a varié au cours de l’histoire mais le nom actuel date de la Révolution française de 1789. Dans le langage courant, les gens disent « ALTROF ».
C’est ainsi qu’on trouve

Les Armoiries




D'AZUR AU LION D'OR
A LA BORDURE COUSUE DE GUEULES
CHARGEE DE HUIT COQUILLES D'ARGENT"

- Le champ bleu, au centre, représente le bleu de France,
- Le lion d’or, les Francs puis la maison de Lutzelbourg,
- Le rouge à l’extérieur représente le sang versé durant les guerres,
- Les 8 coquilles d’argent rappellent les breloques dont les pèlerins ornaient leur chapeau lors des pèlerinages au Mont Saint Michel et à Saint Jacques de Compostelle. Elles rappellent également que la paroisse est dédiée à Saint Michel.
Ces armoiries sont récentes et furent attribuées en 1967 à la commune par la Commission Départementale d’Héraldique.

La photo du village



Présentation

Sarraltroff est un vieux village lorrain sur la rive droite de la Sarre à 5 kilomètres au Nord de Sarrebourg. La commune fait partie du canton de Fénétrange et a rejoint la Communauté de Communes de l’Agglomération de Sarrebourg en 1999. C’est le seul village de la Communauté dont le ban touche l’Alsace puisque le ban communal de Goerlingen, voisin de Sarraltroff, est situé en Alsace Bossue.
Pour rejoindre Sarraltroff, on emprunte
- la Route Départementale 43 entre Sarrebourg et Fénétrange,
- la Route Départementale 46 venant de Hilbesheim.
Le ban communal, d’une superficie totale de 1197 ha dont 311 hectares de forêts est traversé par la Sarre qui le parcourt sur 5,85 km. Elle y reçoit son affluent la Bièvre en amont du village.
La vallée de la Sarre ouvre la voie vers l’Alsace Bossue mais est également traversée par la voie de chemin de fer qui vient de Metz et relie Sarrebourg et Réding. C’est donc un lieu de passage important. Cette vocation existe depuis l’antiquité.

Les Moulins

La Sarre a de tout temps occupé une place importante dans le paysage local. Cette importance est attestée par l’existence de deux anciens moulins à grains :

le Moulin Rein dit « Moulin de Sarraltroff » situé au centre du village sur la Route de Dolving.

le Moulin de la Schneymühle, anciennement « Moulin Hasslauer » situé dans un hameau en aval du village non loin du Château de Sarreck à l’écart de la commune d’où le nom « d’Ecart de la Schneymühle »

Le patrimoine

Au milieu du village trône l’Eglise paroissiale catholique, avec son clocher à bulbe d’oignon typique, placée sous l’invocation de Saint Michel.

Eglise Saint Michel

La paroisse, qui relève de l’archiprêtré de Fénétrange est devenue depuis peu « paroisse – centre ».
Près de l’église le groupe scolaire est composé de 2 bâtiments, celui de l’école maternelle et celui de l’école primaire.
Le Monument aux morts est adossé à l’école maternelle. A l’opposé de celle-ci, se trouve le bâtiment qui abrite les locaux de la Mairie.

L’église paroissiale possède un très beau mobilier et des boiseries classés, œuvres du sculpteur Dominique LABROISE (1728-1808), des tableaux de chœur (Saint Michel, Saint Antoine et Saint Nicolas) œuvres de la peintre Carola SORG (1833-1923) et des fresques de Charles JAEG (1866-1934), des vitraux des Frères NICOLAS, de Roermond aux Pays Bas, de Joseph Beyer de Besançon et des Frères OTT de Strasbourg (fin 19e siècle – début 20e siècle).

On y trouve également de nombreuses croix de chemin et quelques monuments funéraires de caractère issus des ateliers de sculpture KUGLER de Hommarting.

Interieur de l'église:vue generale avec le mobilier de Dominique Labroise

Depuis la fin de l’année 2005, une liaison cyclable, qui emprunte la rive gauche de la Sarre relie le village de Hoff (Sarrebourg) à Sarraltroff. Cette voie utilise l’ancien « Chemin des Fermières » utilisé par les fermières de l’époque pour se rendre au marché de Sarrebourg afin d’y vendre leurs produits…
De l’histoire, le village a hérité 3 cimetières :
- le cimetière catholique situé au centre du village autour de l’Eglise,
- un petit cimetière protestant dans la Rue de l’Etang (le nom de cette rue est dû à l’existence d’un étang dans son prolongement au Moyen Age),
- le cimetière militaire datant le 1ère Guerre Mondiale, situé également dans la Rue de l’Etang.
Si le village conserve une vocation agricole marquée principalement consacrée à l’élevage bovin et à la production laitière, il est, comme beaucoup d’autres villages, devenu un village dortoir, comme en témoigne l’extension des lotissements à vocation pavillonnaire, surtout dans le quartier du Rebberg (sur les hauteurs de Sarraltroff vers Oberstinzel).

Vue de la rue de la Sarre en 1950:l'aspect typique de village agricole lorrain avec devant la ferme cet espace qui sert de cour de ferme et où trône le fumier qu'on appelle l'usoir (qui est public) n'a pas changé depuis des siècles.La même rue photographiée en 2009 montre les changements.

La Ture à gauche est une énigme:Elle donne sur la mairie qui surplombe un local d'allure banal donnant sur la rue principale.Ce local a servi tour à tour à un vieux lavoir avec 3 bacs,puis de laiterie et de local sapeurs pompiers.Lors de sa restauration on y a trouvé une pierre à entrelacs de très belle facture .Certains y ont vu une tour,une prison,un octroi.C'est peut être aussi le vestige d'un bâtiment plus ancien. Ou un ancien pigeonnier??.......

Dans les écarts ou les hameaux ,du temps du Duché, vivaient souvent des anabaptistes réputés pour leurs qualités, notamment comme éleveurs,venus se réfugier de Suisse,bien qu'officiellement la religion fût catholique.Ici nous avons le beau portail d'une ferme de L'Ecart de Schneymuhle avec le coeur qui en est un symbole et une croix potencée en forme de sauvastika ,symbole religieux d'éternité et deux étoiles et une rose des vents dans une roue crantée.Elle date de 1845 et aurait été construite par un aubergiste revenu d'Amérique du nom de Peter Miller(nom américanisé de Muller) tel qu'il figure sur le petit linteau en dessous des guirlandes.

Le cimetière protestant est situé Rue de l'étang.Le cimetière autour de l'église est paroissial(catholique.En dialecte on parle de Kirchhof et non de Friedhof..).Le premier protestant à y être inhumé s'appelait Claude Muller,décédé le 25 octobre 1867.Il avait d'abord été enterré au milieu du village sous un noyer près du jeu de quille avant d'y être inhumé le 8 mai 1868.En effet l'absence de cimetière protestant avait donné lieu à un conflit qui fut résolu entre temps.A ce jour il n'y a depuis longtemps plus de différence confessionnelle.

Les activités économiques

On trouve par ailleurs : une auberge qui fait également office de Point Poste, une agence bancaire du Crédit Mutuel, une quincaillerie électroménager, une menuiserie, une entreprise de construction carrelage, une entreprise de peinture, un atelier de mécanique, un garage automobile, un établissement de matériel agricole, une annexe de l’entreprise Ferco, deux entreprises de recyclage de matériaux gravats, un artisan fromager, un revendeur de rayons industriels.

La population

Les Sarraltroffois et Sarraltroffoises.
La population, depuis plusieurs années, est à peu près stable, aux alentours de 800 habitants.
Sarraltroff est encore un village dialectophone, et, même si l’usage du dialecte germanique (francique) a tendance à diminuer, il est encore parlé par beaucoup d’habitants. Ce dialecte s’appelle le « Platt ».
Le village de Sarraltroff est un village accueillant et la vie associative y est bien représentée.

L’histoire du village

Les Celtes

Nous ne savons pas quand le site de Sarraltroff fut habité pour la première fois par l’homme. On a trouvé peu de vestiges du néolithique dans les environs. C’est à l’époque de la Protohistoire qu’on commence à avoir plus de signes d’une présence humaine. Il est impensable en effet qu’un site comme Marsal tout proche, où les archéologues viennent de démontrer qu’il existait une véritable industrie du sel n’ait pas eu de retombées jusqu’à Sarraltroff.
Qui étaient ces premiers hommes, des celtes ? Peut-être, mais nous ne pouvons l’affirmer pour l’instant.
C’est vers l’époque du Hallstatt et de la Tène qu’on peut vraiment affirmer une présence à Sarraltroff. Ces hommes étaient des Celtes et Sarraltroff fut certainement un site longuement occupé à l’époque celtique comme en ont témoigné les fouilles successives effectuées dans les tumuli de la nécropole celtique du Weiherwald :
- la première, due à Thomas Welter, archéologue et notaire de Lorquin en 1899 et 1900. Ces fouilles mirent au jour de nombreux bracelets à tampons, des torques, des anneaux, des perles, mais aussi une épée avec son fourreau ainsi qu’une paire d’ornements ajourés en bronze, des bracelets à nodosités,
- la seconde fouille, effectuée par Marcel Lutz en 1942 = une pointe de flèche de harpon de 8 cm de long d’une pureté étonnante.
Tous ces éléments montrent que l’implantation de Sarraltroff était importante, qu’on avait affaire probablement à une tombe de personnage important, peut-être un prince…

Les tumuli celtiques(tombes communes) du Weyerwald ont été fouillés par T Welter,archéologue et notaire impérial.C'était la tombe d'un prince-guerrier.Son épée et tout les objets trouvés sont exposés au Musée de Sarrebourg.Ils sont à proximité des mardelles qui pourraient être des résidus de l'exploitation du fer.

Les études analogiques montrent que ces habitants étaient en relation avec la Rhénanie, le Palatinat, la Sarre.
C’est l’époque de l’age du fer (qui couvre une période allant environ de – 600 à – 52).
Les Celtes de cette époque appartenaient à un peuple puissant, les Médiomatriques, occupant un vaste territoire, une civitas (cité) lui-même partagé en pagus (pays d’où viendra le mot paysan) : ce pays s’étendait de Metz jusqu’au Donon (nom qui vient du gaulois Dunum).

Les Romains

Mais les tribus barbares, les Cimbres et les Teutons qui faisaient des incursions dévastatrices en Gaule fournirent aux Romains le prétexte de faire la conquête de la Gaule et c’est ainsi qu’en – 52 notre village passa sous domination romaine.
Ce fut le début d’une longue période de paix et de prospérité et grâce à une paix qui dura près de 3 siècles, la Pax Romana, de nombreuses villas s’implantèrent partout dont la plus connue était la villa de Saint Ulrich qui en fait était un palais. A Sarraltroff, on identifie pas moins de 7 à 8 bâtisses dont la fameuse villa du Heidenschloss, dans la Forêt du Weiherwald qui constitua à l’époque où elle fut fouillée, une des premières grandes fouilles de villas gallo-romaines en Lorraine. Elle fut également l’œuvre de T. Welter en 1907 avec des relevés de l’architecte E. Heppe.

Trouvés au Mur des païens:La fouille n'a pas été riche en trouvailles.Par contre dans les champs labourés en aval dont beaucoup sont sous la LGV de nombreuses pièces de monnaie ont été trouvées (Dupondius, Néron..) après l'orage ou la pluie.

Les Invasions

C’est à cette époque d’occupation qu’on attribue aussi le Mur des Païens (Heidenmauer) dont il persiste le nom dans la toponymie. Du temps des Romains, il n’y avait pas de villages semblables à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Il y avait des villes et tout autour la campagne était parsemée de villas qui regroupaient tout ce qui était nécessaire à la vie. C’est pourquoi, on pense que Sarraltroff appartenait à un vaste domaine regroupé autour de Saint Ulrich.
Cet univers d’apparence idyllique commence à s’assombrir vers le 4e – 5e siècle avec les invasions des Barbares, certains poussés par d’autres barbares plus à l’est, les Huns. Quand ceux-ci déferlent sur la Gaule avec à leur tête Attila en 541, ils dévastent tout sur leur passage. Metz brûle. C’est peut-être à cette époque que le Heidenschloss est anéanti. Mais ce n’est pas certain…
Les Huns sont battus mais ils laissent derrière eux un pays anéanti, avec des voies de communications laissées à l’abandon.

Les Francs et les Mérovingiens

Aux Huns succèdent les Francs, peuple d’origine germanique. Ils s’établissent en Gaule. Clovis leur chef se convertit au christianisme après sa victoire sur les Alamans à l’instigation de sa femme Clotilde et fonde la dynastie des Mérovingiens.
Cette conversion et l’attribution du Consulat à Clovis par les Romains, le font chef de la Gaule et assure la transition du pouvoir. Dans cette période de troubles, le roi des Francs rétablissait un peu l’ordre. Quand Clovis meurt en 511 il est à la tête d’un vaste royaume, car il aura gouverné tout le pays des Francs, la Francia occidentalis d’où naîtra la France mais aussi la Francia orientalis d’où naîtra l’Allemagne. Il n’y eut pas d’écrasement sanglant et brutal de la vieille civilisation gallo-romaine, mais plutôt une sorte de métissage culturel et politique.
Mais les fils de Clovis, poussés par la coutume franque se livrèrent à des partages fratricides et ce fut une longue période de violences empêchant toute politique économique constructive et toute administration raisonnable. D’où le nom de rois fainéants (« qui ne font rien ») donnés aux Mérovingiens. En fait ces rois étaient souvent des enfants ce qui explique que le pouvoir était exercé par des surintendants chargés de l’ordre et de la discipline des gens de cour, mais qui furent aussi assez habiles pour devenir les chefs de l’aristocratie et prendre le pouvoir. Ce fut aussi une période d’épidémies et de famine.
L’insécurité poussa les plus faibles, les plus nombreux, à se placer sous la protection d’une minorité de puissants, amorçant la naissance de la future société féodale. C’est de cette évolution que date aussi l’idée, due à Dagobert, qu’il valait mieux créer une nouvelle élite ecclésiastique capable de servir l’Etat sans exiger trop de contre parties personnelles.
Pour ce qui concerne Sarraltroff, que nous reste-t-il comme témoins ? La donation faite par un certain Chrodoin en 718 à l’abbaye de Wissembourg, la mise au jour de sépultures dont la datation est incertaine lors de la création d’un parking devant l’actuelle mairie et qui furent attribuées à l’époque mérovingienne (?).

squelette de l'une des tombes sous le parking de la mairie à quelques mètres de la TURE.

Les Carolingiens

Avec l’arrivée de Charlemagne, notre région est au centre d’un vaste empire. Charlemagne est couronné empereur en 800. Il est le représentant d’une nouvelle dynastie franque : les Carolingiens. Il fixe sa capitale à Aix la Chapelle. Sans savoir vraiment écrire, il laissa des structures politiques et sociales de nature à lui survivre : titularisation des comtes servant de relais au pouvoir royal ; nomination de commissaires royaux, les missi dominici, institution d’une assemblée générale de notables laïques et ecclésiastiques, première extension du système de vassalité engageant le seigneur et son homme lige.
Mais les Carolingiens furent victimes du même mal successoral que les Mérovingiens. C’est de l’effondrement carolingien que naquit la féodalité.

La naissance progressive de la Lorraine

Charlemagne meurt en 814 et est enterré à Aix la Chapelle. Avant, il fait couronner empereur son fils Louis d’Aquitaine. Mais les querelles incessantes de ses fils amenèrent au partage de Verdun en 843 d’où naquirent la France et l’Allemagne, Lothaire recevant pour justifier son titre impérial une large bande de territoire allant de la Mer du Nord à la Méditerranée et séparant les deux nouveaux royaumes. Quand Lothaire meurt en 855, Charles II et Louis le Germanique se disputèrent cette Lotharingie. Le traité de Meerssen porta en 870 la frontière franco allemande sur la Moselle.
La Lotharingie durement convoitée, finira par tomber dans l’orbite germanique avec le partage du Duché de Basse Lorraine et Haute Lorraine ou Mosellane qui correspond à peu près au territoire de la future Lorraine. C’est Brunon, archevêque de Cologne qui fait ce partage. Il choisit des ducs et évêques favorables à la cause germanique et sûrs et c’est ainsi que l’empereur confie le Duché de Haute Lorraine à Adalbert de la Maison d’Alsace. A la mort d’Adalbert, le titre de duc est confié à son neveu Gérard et dorénavant le titre de duc se transmettra par héritage.
La féodalité apparaîtra un peu plus tard en Lorraine qu’ailleurs semble-t-il parce que les empereurs germaniques ont longtemps été assez énergiques pour maintenir l’autorité du pouvoir central, mais elle s’étendra finalement à toute l’Europe.

Sarraltroff et Sarreck

C’est à partir du XIIe siècle qu’apparaîtra la dénomination de Sarreck qui désigne un groupement de villages. Ceux-ci échurent aux évêques de Metz pour le temporel et le spirituel.
Ceux-ci les donnèrent en fief avec Sarrebourg aux comtes de Dabo qui étaient en même temps baillis de l’abbaye de Neuviller en Alsace pour le compte de l’abbaye de Wissembourg.
Les villages de Gosselming, Sarraltroff, Neuve Eglise et Adelshouse (2 villages proches de Kerprich et Rhodes disparus), avaient probablement constitué les premières communautés de ce fief.
En 1225, à la mort de Gertrude, fille d’Albert de Dabo, dernière héritière qui n’avait pas d’enfants, les fiefs ont été repris par les évêchés de Metz et Strasbourg à l’exception du domaine de Dabo.
De là, la seigneurie passa aux La Petite Pierre et aux Lutzelbourg et finalement aux Custines jusqu’à la Révolution.

Les Comtes de DABO furent les premiers seigneurs de Sarraltroff:ici une gravure ancienne de leur château(détruit par les troupes de Louis XIV) réalisée par Matthias Mérian dans Topographia Alsatiae.

La Guerre des Paysans

La Guerre des Rustauds n’eut pas de grosses répercussions à Sarraltroff comme elle en eut en Alsace. On sait que les révoltés ont lancé des raids dans la vallée de la Sarre, notamment à partir de l’abbaye de Herbitzheim où ils s’étaient regroupés. Un certain Nicolas Stiffe essaya de les embrigader mais ils ne cédèrent pas aux sirènes des révoltés.
Grand bien leur fit car le Duc Antoine de Lorraine à la tête de sa puissante armée les écrasa à Saverne.
C’est pour récompense de ses services au cours de cette affaire que le comte Frédéric de Lutzelbourg hérita de la Seigneurie de Sarreck qui rentra ainsi dans le giron familial.

Le naufrage de la Guerre de Trente Ans

Mais la révolte des paysans préfigurait une guerre qui fut un véritable naufrage pour notre village : la fameuse Guerre de Trente Ans (1618-1648). C’est probablement vers 1636, au moment où les troupes de Bernard de Saxe-Weimar soutenu par le Roi de France mirent le siège devant les murailles de la ville de Sarrebourg pour la rançonner que le village fut détruit.
La plupart de ses habitants disparurent et il n’en resta que quelques uns, peut-être une vingtaine qui avaient pu se réfugier dans Sarrebourg.
Sarraltroff fut déserté pendant longtemps…
Pendant les accalmies, car la campagne était devenue incertaine, ils venaient au village mais leur présence commença à indisposer les habitants de Sarrebourg où ils s’étaient réfugiés avec leurs troupeaux.

Cette gravure de Cochin(1610-1685) montre les troupes de Bernard de Saxe -Weimar,allié du roi de France et des Suédois menaçant d'embrasement la ville de Sarrebourg sauf payement d'une énorme rançon en 1636(ce qu'elle fit).Probablement avant de dévaster Sarraltroff.La seigneurie de Sarreck faisait partie de ce vaste espace allant jusqu'au Hunsruck composé d'une multitude disparate de principautés,seigneuries...constituant le Westrich(aujourd'hui presque totalement oublié).La guerre de Trente ans y mit fin.La Lorraine et l'Empire germanique dévastés furent les grands perdants de cette guerre horrible.

A la faveur de la Guerre de Trente Ans et des traités de Westphalie dont les termes, ambigus à souhait, permettaient toutes les spéculations, le royaume de France annexa de force l’Alsace. La Lorraine, état libre et non incorporable, échappa encore pour peu à l’annexion mais Louis XIV imposa un couloir dit stratégique large de quelques 4 kilomètres entre Metz et l’Alsace. Ce couloir passait par Sarrebourg qui de ce fait était annexé. En fait, cette route était plus politique que stratégique (elle passait par Garrebourg !) et permettait au Roi de France de mettre la pression sur la Lorraine. Le Roi de France fit borner ce couloir : l’une des bornes se trouvait au Bergholtz entre Sarraltroff et Réding.
Le 17 décembre 1672, par une charte, Guillaume Ernest de Lutzelbourg, soucieux d’assurer le redémarrage économique de ses terres ruinées et dévastées par la Guerre de Trente Ans, affranchit ses sujets. En 1696, le seigneur décide du remembrement du ban : il s’agit d’apporter un peu d’ordre sur les terres restées en friches ou abandonnées. Pour repeupler les villages, on fit appel à des colons étrangers venus d’ailleurs : de Suisse, du Tyrol, mais aussi des Vosges et de Picardie.
Témoin de cet effort de reconstruction, la construction des moulins de Sarraltroff, des moulins à blé :
- celui dit aujourd’hui « Moulin Rein » en bas du vieux village, construit en 1695 par Paulus Deutsch de Bettborn sur un terrain concédé par Walter de Lutzelbourg,
- celui de la Schneymühle, à l’Ecart sur un terrain concédé en 1693 au même Paulus Deutsch de Bettborn.

De cette époque dataient également les grandes fermes avec auvent dont la ferme Hiegel située à côté de l’église et détruite le 29 mars 1999 constituait un fleuron. Cette ferme lorraine à colombages avait un écusson taillé dans le linteau en chêne de la porte de la grange daté de 1700. Au centre du linteau de chacune d’elles il y avait la fameuse croix de Lorraine. Seule porte de grange avec écusson et croix de Lorraine rescapée de cette époque : la ferme Bonnard, située dans la Rue de la Fontaine, a un écusson datant de 1717.

ferme Bonnard rue de la fontaine(photo prise en 1991)

Linteau décoré de la porte de grange de l'ancienne ferme 'Bonnard' rue de la Fontaine:Taillé dans un seul fût de chêne .Il porte la Croix de Lorraine et la date de 1717.Le village se reconstruit....après le désastre de la guerre de 30 ans.

La ferme Bourlon(N° 18 rue de la Fontaine):située en face ,elle date de la même époque et elle a consevé ses ouvertures typiques de la ferme lorraine

Le village redémarre : la preuve en est qu’en 1726, lors d’une visite canonique, sorte de visite d’inspection de la chapelle qui servait au culte, celle-ci fut jugée en mauvais état et trop petite par l’évêque de Metz : Henri Charles du Cambout de Coislin. Mais ce n’est qu’après un long procès terminé en 1730 que les paroissiens obtinrent que le comte de Lutzelbourg et le curé, en l’occurrence l’abbé Brazy, procèdent à la démolition et à l’agrandissement de la chapelle existante pour en faire une église paroissiale. Cette construction dura un certain temps mais permit malgré tout à l’abbé Brazy de se faire enterrer dans le chœur de l’église actuelle le 16 juillet 1753 (il est mort à l’âge de 80 ans). C’est l’abbé Delarbre, son successeur, qui acheva la construction de la nef et de la tour actuelle en 1759 ; le chœur fut remanié en 1772.
En 1773, Sarraltroff hérite d’un curé au nom éblouissant : Charles Soleil, qui resta curé (sauf pendant son exil) jusqu’en 1822. C’est probablement lui qui passa commande des fameuses boiseries de l’église à Dominique Labroise (1728-1808).

Monument funéraire de Charles Soleil curé de Sarraltroff pendant la révolution

Témoins également de cette vitalité retrouvée les procès entre les villageois et le Comte de Lutzelbourg à propos de la forêt. La forêt revêtait une importance primordiale, non seulement pour le bois d’œuvre mais aussi pour le chauffage et aussi la pâture des troupeaux.

L’annexion par la France

En 1766, la Lorraine, avec la mort de Stanislas Leczinsky, Roi de Pologne déchu, beau-père du Roi de France Louis XV, devient française. Le Duché de Lorraine a vécu…
Les Sarraltroffois s’en émurent-ils ? Nous ne le savons pas.
La Lorraine passe dans le giron de la France après avoir vécu pendant des centaines d’années dans la sphère germanique.

La Révolution française de 1789

Ils n’ont pas beaucoup le temps de s’habituer au royaume de France : voici la Révolution française de 1789. Les Sarraltroffois, comme beaucoup de citoyens du royaume de France expriment leurs doléances à la demande du roi qui souhaite réunir les Etats généraux. Le village totalise 493 habitants. Son seigneur, Adam Philippe, Comte de Custine, baron de Sarreck est un homme prestigieux. Homme des lumières, il s’illustre en Amérique, à Yorktown sous les ordres de Rochambeau. Il deviendra le porte-parole de la noblesse et député aux Etats Généraux. Mais il fut victime de la Terreur et guillotiné le 29 août 1793. (Comte de Custines )
L’abbé Soleil, curé de Sarraltroff, prête serment à la Révolution le 13 février 1791, mais il se rétracte comme une majorité de prêtres de la région et s’exile à Amsterdam. Il y restera jusqu’en 1808.
La paroisse de Sarraltroff hérite alors d’un prêtre révolutionnaire, originaire de la région de Mayence en Allemagne, du nom de Grezeli. Les villageois le boudent et lui préfèrent les prêtres réfractaires qui officient en cachette, la nuit, et donnent le sacrement dans une maison nommée « oratorium nostrum domesticum ». Cette maison existe encore et se trouve au N° 4 de la Rue de Hilbesheim.

Sarraltroff et le Département de la Meurthe

Avec le nouveau découpage en départements, Sarraltroff fait partie dorénavant du Département de la Meurthe. Le français est imposé à l’école. Les hommes sont embrigadés dans les armées révolutionnaires, mais beaucoup désertent. Il y eut de nombreuses perquisitions. C’est avec soulagement que les sarraltroffois voient s’éloigner la Terreur mais il fallut attendre l’arrivée de Bonaparte pour qu’une sérénité plus grande revînt. Peut-être est-ce en souvenir de ces années noires que plusieurs croix de chemins portent la date de 1792…
L’abbé Soleil rentre d’exil en 1808 et officiera jusqu’à son décès en 1822.
Sous Napoléon, le village, comme le souligne l’historien Lepage, donnera de bons soldats à l’Empire.
Sarraltroff, tout comme la Lorraine, connaîtra une période de prospérité relative au cours du XIXe siècle : les voies de communication, les routes s’améliorent. La Sarre connaît une grande activité, on y flotte les bois des forêts vosgiennes jusqu’en Hollande.
L’école est devenue vétuste et une nouvelle école est construite en 1862 mais pas avant le nouveau presbytère qui date de 1852-1854.
Mais le XIXe siècle, c’est aussi le début de l’épopée du chemin de fer. Les tractations commencent en 1853 sous l’Empereur Louis Napoléon. Il fallut attendre 1865 pour voire naître un avant projet de ligne entre Sarrebourg et Sarreguemines. Le montage financier fut bouclé en 1866 et la décision gouvernementale est prise. Mais la ligne finalement sera inaugurée le 1er novembre 1872 par les Allemands, par l’Oberpräsident Von Moller car la Guerre de 1870-1871 interrompra les travaux !
A noter toutefois durant cette période, un phénomène migratoire assez curieux, notamment vers les plaines danubiennes reconquises sur les Turcs, particulièrement le Banat roumain et la Batschka. Le phénomène, complètement oublié, sera tiré de l’oubli par l’incroyable histoire de Nicolas Hess qui viendra retrouver les sources de l’histoire de ses ancêtres à Sarraltroff entre les 2 guerres mondiales : en effet, un nombre important de villageois émigrèrent là bas à l’appel de l’Empereur d’Autriche-Hongrie et y fondèrent des villages lorrains de style avec d’autres émigrés lorrains.

La Guerre de 1870 – 1871 et l’annexion par l’Allemagne

La guerre franco-prussienne de 1870-1871 marque une nouvelle étape dans la vie du village… D’un point de vue géographique et politique, Sarraltroff devient Terre d’Empire, finie la Lorraine, fini le département de la Meurthe : l’arrondissement de Sarrebourg moins 9 communes constitue le Kreis Saarburg. D’un point de vue religieux, les arrondissements de Château-Salins et Sarrebourg, qui relevaient de l’Evêché de Nancy, sont rattachés à celui de Metz.


La nouvelle géographie régionale après le traité de Francfort,Sarraltroff faisait partie de la Meurthe depuis la Révolution et de l'Evêché de Nancy avant de faire partie depuis de celui de Metz

Avec le Traité de Francfort, les Prussiens imposent habilement le concept de Reichsland Elsass-Lothringen qui donnera le fameux concept d’Alsace-Lorraine dont l’appellation symbolique persiste de nos jours. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous parlons d’Alsace-Lorraine alors qu’il ne s’agissait que de l’Alsace-Moselle, et encore, car même ce terme n’est pas tout à fait exact.
Le 18 janvier 1871, après la déroute militaire de la France se déroule au Château de Versailles, l’évènement politique majeur du XIXe siècle : Guillaume 1er proclame la naissance de l’Empire Allemand unifié : cette unité est réalisée sur le dos des Alsaciens Lorrains (terme inexact mais consacré).
L’Alsace Lorraine est Terre d’Empire et n’aura pas les mêmes droits que les autres Land. Ceux qui veulent rester français doivent quitter le pays : c’est l’Option. Où aller, que faire, surtout quand on est paysan : seule la famille de l’instituteur Saint Eve manifeste son intention d’opter à Sarraltroff au départ.
La germanisation de l’Alsace-Lorraine (puisque c’est le terme consacré) s’installe et elle dispose de sérieux atouts dont une administration efficace qui a le sens de l’ordre. Mais le Reich veut plus : il veut faire de l’Alsace Lorraine un véritable laboratoire pour une législation avancée, une vitrine du savoir faire allemand. C’est pourquoi l’Alsace Lorraine aura des lois parfois même en avance sur celle du Reich : c’est l’origine de notre droit local.
Sur le plan social, les avancées sont réelles : en 1883 sont proclamées les lois sur les Assurances Sociales, en 1884 celles sur les accidents de travail et en 1889, les caisses de retraites pour les vieillards et les infirmes sont fondées.
Toutes ces mesures, fort populaires, font que le Reich marque des points. On maintient le Concordat et cela compte. On encourage les recherches historiques comme celles de Welter à Sarraltroff. La population est l’objet de toutes les attentions : le Kaiser vient à Sarrebourg en 1890, le Statthalter, son Excellence Von Manteuffel s’arrête même à Sarraltroff dans une ambiance de fête et visite l’église paroissiale.
Nous l’avons dit plus haut, ce sont les allemands qui inaugurent la ligne de chemin de fer commencée par les Français en 1872. La gare, à cause des tergiversations du conseil municipal n’est élevée qu’en 1878, avec une halte.

photo ancienne (coll.particulière) de la gare de Sarraltroff avec sa passerelle(début 20ème s.), vue côté voies

ancienne gare avec sa passerelle(vue début 20ème s). Auguste Gassmann,de la localité y est né et y exerça les fonctions de chef de halte.

ancienne gare vue de la voie vers la rue de Sarrebourg(début 20eme s.)

Les Allemands encouragent aussi les initiatives économiques. Ainsi en 1898 est fondée la Caisse du Crédit Mutuel sur le modèle de celles fondées en Allemagne par Raffeisen (1818-1888) : elle s’appellera RaffeisenKasse.
En 1897, des lavoirs sont installés à condition que les gens n’utilisent plus les fontaines publiques pour laver le linge aux abords de la Sarre et sur le ruisseau de la Lach : ces lavoirs sont d’ailleurs source de difficultés et d’un procès entre le meunier Rein et la Commune. L’eau est déjà à l’époque une source de préoccupation à cause des problèmes de salubrité et d’hygiène, mais aussi parce que l’eau est nécessaire pour la traction à vapeur et les chevaux de l’armée : cette dernière effectue des manœuvres à Sarraltroff en 1900, année de sécheresse, et le service de santé interdit la consommation de l’eau de certaines fontaines. Finalement l’installation de l’eau courante s’achève en 1903.
En 1902 arrive le téléphone.
En 1907, les 2 vieilles roues en bois du moulin sont démontées et une roue à ailettes métalliques alimentant une turbine permet au dynamique Antoine Rein de produire de l’électricité qui alimentera dans un premier temps une petite scierie à grumes mais permettra au village de bénéficier de l’électricité en 1914, grâce à un réseau privé. Pour le moulin Rein c’était aussi un débouché nouveau car l’activité meunière était perturbée depuis la mise en service en 1854 du canal de la Marne au Rhin dont les ponctions d’eau affectaient le débit de la Sarre.
En 1909 est créé le Corps des Sapeurs Pompiers.
Sur le plan religieux, la ferveur est toujours très grande. L’église Saint Michel s’enrichit des tableaux de chœur de Carola Sorg en 1900 et l’on décide de l’achat de nouveaux vitraux et l’on agrandit la sacristie.
La modernité s’installe.

La Guerre de 1914 – 1918 et la Bataille de Sarrebourg-Morhange (AOUT 1914)

Bref, tout semble aller pour le mieux quand le ciel s’assombrit à nouveau… La guerre 1914-1918 est déclarée, elle débute en août 1914.

Carte postale colorisée(avant 1914 probablement...)Les tenues allemandes,l'absence de végétation aux arbres,les casques prussiens,la présence d'une pièce de 155 laissent supposer qu'il s'agit d'une manoeuvre bavaroise comme il y en eut plusieurs.La tactique prussienne consistait à faire semblant de résister tout en attirant les Français le long de la Sarre derrière laquelle ils les attendaient et où ils avaient installé des tuyaux de béton que les français avaient pris à tort pour des leurres.De plus l'absence de transmission entre infanterie et artillerie du côté français aurait été à l'origine de méprises qui expliqueraient l'importance des pertes françaises.

Sarraltroff est en première ligne. Des deux côtés, français et allemand, ont était parti au combat dans l’allégresse. Les combats furent rudes dès le départ, plus de 1000 morts les 10 et 11 août à la frontière d’alors près de Lagarde. Le 18 et le 19 août 1914, Sarraltroff est dans la tourmente : c’est la bataille de Sarrebourg-Morhange…
Côté français, le 8e corps d’armée commandé par le Général en Chef Joffre et dans notre secteur sa 1ère armée commandée par le Général Dubail. Côté Allemand, la 6e armée bavaroise sous les ordres du Kronprintz Rupprecht et du Général Oskar Ritter von Xylander.
L’artillerie allemande est installée sur les hauteurs au Bergholtz et au Tinkelberg et attend les français en culotte rouge qui sortent sur l’autre rive du Sarrewald et veulent s’emparer des ponts sur la Sarre à Sarraltroff et à Oberstinzel. Malgré leur héroïsme, les français sont cloués sur place et doivent se retirer : des centaines de morts jonchent le champ de bataille. Ils seront inhumés sur place avant d’être regroupés dans un cimetière provisoire.

La "Saarstellung",ligne de retranchement avec ses leurres en ciment.

Les Allemands attaquent à découvert à Sarraltroff les Français stoppés dans leur élan : en effet les allemands avaient installé des tuyaux de béton dans les haies où étaient dissimulés des dizaines de tireurs,sur les sommets de Oberstinzel à Réding,derrière la Sarre et attendaient les français sortant de la forêt avec leurs costumes bleus et rouges:le massacre...La tenue de poilu et le casque ne furent remis que fin 1915.

Stèle française

8000 morts en 3 jours dans le secteur de Sarrebourg, presque 14000 sur le secteur Abreschviller à Morhange.
23 soldats, enfants de Sarraltroff, tombèrent au champ d’honneur au cours de cette guerre, tous sous l’uniforme allemand.

Selon un accord du traité de Versailles les morts allemands et français reposent dans le même cimetière

Carte postale datée du 29.02.1916:Cette carte montre à l'arrière plan le village et la fosse commune appelée"das Heldengrab" c-à-d la tombe des héros avec écrit:"restez fidèles jusque dans la mort".20 Bavarois des 12°et16°régiments,213 soldats des 27°et 29°régiments et 7 officiers français.La bataille des frontières fut horriblement meurtrière comme le montrent les victimes à Sarraltroff même en 2 jours.Guerre de mouvement autant mangeuse d'hommes que les tranchées...(coll.perso.)Ce n'était que le début.

En 1918, la paix revient. Une nouvelle administration se met en place, l’administration française. Leurs droits sont solennellement garantis aux Alsaciens-Lorrains notamment le régime local de sécurité sociale auquel ils sont attachés.
Un texte fort intéressant sur la guerre 14-18 écrit par le docteur Muller (Voir ici)

1918 : Nous redevenons Français

On panse les plaies de la guerre. Le village a été épargné par les destructions.

En 1920, on exhume les soldats tombés en 1914 et réunis dans un cimetière provisoire et un cimetière militaire reçoit leurs dépouilles qu’ils fussent français ou allemands : 278 soldats français et 80 allemands y reposeront en paix.
Parmi les victimes de la charge française à Sarraltroff figure le Comte de Pelleport,engagé comme simple soldat à 59 ans dans les premiers jours du conflit. Son nom sera donné plus tard à un quartier militaire de la garnison de Sarrebourg au même titre que ceux d'autres chefs militaires français de cette bataille, les colonels Touret et Rabier,le général Gérôme,le lieutenant colonel Malleray,les chefs d'escadron Cholesky et Dessirier.

En 1923, le cimetière catholique autour de l’église est agrandi, signe que la population a augmenté.
En 1923, on installe en grande pompe les 3 nouvelles cloches qui vont remplacer celles qui avaient été réquisitionnées durant la Grande Guerre.
Sous l’impulsion de l’Abbé Fritz, le Foyer Saint Michel est créé en 1926. Il fait écho à la création de la société sportive (SSUF) en 1923. Une émulation, voire une certaine rivalité s’installe entre les deux associations.
En 1929, une laiterie est fondée à Sarraltroff. Elle prendra le nom de « Coopérative laitière de Sarraltroff » en 1932. Elle atteindra une production de 20000 kg de beurre, 970 kg de crème et 20500 litres de babeurre par an. Le beurre de Sarraltroff était vendu sur tous les marchés des environs.
Mais d’un point de vue politique et économique, la crise économique de 1929 annonce la montée des périls. En Allemagne elle favorise la montée du nazisme.

La montée du nazisme en Allemagne et à nouveau la guerre

En 1938, l’Allemagne annexe l’Autriche, en août la Tchécoslovaquie et le couloir du Dantzig.
Sarraltroff est centre mobilisateur pour 2000 hommes qui se présentent pour toucher leur paquetage.
Mais l’entrevue de Munich sauve croit-on la paix. Les soldats rentrent chez eux. Seuls quelques uns restent sur place d’août 1938 à septembre 1939 pour surveiller, paquetages et armes stockés dans les granges.
Le 25 août 1939, l’Allemagne envahit la Pologne, la mobilisation générale est décrétée le 28 août 1939. Le village se remplit à nouveau de 2000 soldats. Le 3 septembre, l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne nazie. Les populations civiles situées près de la frontière allemande et de la ligne Maginot reçoivent l’ordre d’être évacuées le 1er septembre 1939 = 700.000 Alsaciens-Lorrains en tout ! Des centaines font étape à Sarraltroff où l’on fait ce que l’on peut car avoir 2000 soldats et des civils à gérer n’est pas une mince affaire. Heureusement, la situation ne dure que quelques jours, les soldats rejoignent la ligne Maginot, les civils sont évacués vers la Charente.

SARRALTROFF centre mobilisateur : la "Drôle de guerre".Pour tuer le temps et se rendre utiles les soldats français s'adonnent aux travaux agricoles comme ici avec un valet de ferme du village.

L’aviation allemande est de plus en plus présente. Les allemands font irruption dans Sarraltroff le 17 juin 1940 à 5 heures du matin. Au cours de la préparation d’artillerie allemande, un obus allemand mit le feu à une maison au centre du village. Ce fait fut plus tard à l’origine d’un drame : après une nuit de pluie, les ruines de cette maison incendiée s’écroulèrent sur la Maison Mathis voisine, tuant le 25 juillet 1940 une jeune fille dans son lit ! Un valet de ferme qui était allé vérifier si les bêtes étaient encore dans leur parc fut pris pour un espion par les soldats français et faillit être fusillé.

L’annexion

La nazification commence et s’amplifie avec l’arrivée du Gauleiter Bürckel. Le 30 octobre 1940, l’Alsace et la Moselle sont annexées au Reich.

Portrait du Gauleiter Josef Bürckel:ancien instituteur,grand nazi,il séjournait souvent au domaine de Ketzing,où il accueillait des dignitaires comme von Ribbentrop,ancien élève du Lycée Fabert à Metz et exécuté le premier suite au procès de Nuremberg

La Moselle, la Sarre et le Palatinat sont réunies dans une nouvelle entité : le « Gau Westmark » avec Sarrebruck comme capitale, l’administration allemande remplace la française. La population est embrigadée dans des organisations de type national-socialiste identiques à celles du Reich. Les Mosellans sont considérés comme des citoyens allemands sans en avoir toutefois les mêmes droits. Des cartes de tickets de vivres et d’habillement entrent immédiatement en vigueur.


Carte du Gau Westmark : dirigé par le Gauleiter Bürckel mort dans des conditions mystérieuses le 29 septembre 1944.Le Gau Westmark comprenait 26 Kreis (arrondissements). L'immatriculation des voitures de Moselle, le 57, disparut au profit du Wm. La capitale administrative était Sarrebruck. Il n'y a plus d'Elsass-Lothringen à proprement parler car les Nazis ont voulu cette séparation en raison du mauvais souvenir de la précédente annexion.

Les familles francophones ou francophiles sont expulsées.
Sarraltroff, dont le nom redevient Saaraltdorf (comme entre 1871 et 1918) devient le centre d’un Ortsgruppe, regroupement de 4 communes = Sarraltroff, Hilbesheim, Oberstinzel (qui devient Oberstein) et Bettborn.
Ces communes sont placées sous la direction d’un Ortsgruppenleiter et flanqué d’un fonctionnaire nazi du nom de Steins. L’ancien maire de Sarraltroff : Joseph Limon, continua d’exercer ses fonctions mais n’avait pratiquement plus aucun pouvoir. Cela explique que l’état civil de ces 4 villages est tenu par Sarraltroff du 1/7/1940 au 20/11/1944. La frontière avec la France passe par Avricourt.
Malgré les promesses, le statut des Alsaciens-Lorrains se dégrade rapidement notamment le 25 avril 1941 avec l’introduction du travail obligatoire (RAD = Reichsarbeitsdienst) et le service militaire obligatoire en août 1942, ce qui entraîna des désertions et des déportations.
Ceux qui n’avaient pas porté l’uniforme allemand furent appelés réfractaires, ceux qui devaient porter l’uniforme malgré eux furent appelés les Malgré Nous. Cet enrôlement était contraire au droit.
La Gestapo faisait des perquisitions dans les familles des déserteurs et parfois des familles entières furent déportées, ce qui incita beaucoup de jeunes gens à se « sacrifier » en servant dans la Wehrmarcht afin d’épargner leur famille… Mais tout était bon pour échapper à la suspicion des Allemands. Et dans la population, la plupart de ceux qui avaient des fonctions « obligées » essayaient de donner le change aux autorités allemandes. Quant aux incorporés de force dans la Wehrmacht, ils connurent les rigueurs de l’hiver en Russie, les blessures, la mort, certains disparurent, d’autres désertèrent chez les Russes et connurent l’horreur des camps soviétiques de Tambow, au moins aussi durs que les camps nazis où beaucoup moururent. Leur histoire tragique est souvent ignorée.

Avec le débarquement, la présence alliée devient plus forte. Un jour même l’aviation anglaise attaque un convoi sur la voie ferrée : il y eut de nombreux morts parmi les allemands.

La Libération

Le 19 novembre 1944, le Général Leclerc est à Cirey sur Vezouze. Il y définit son plan pour la percée de la trouée de Phalsbourg-Saverne. Il décide de contourner Sarrebourg. Le sous-groupement Quilichini doit foncer sur Sarrebourg, déborder la ville par le nord pour franchir la Sarre à Sarraltroff. Le 20 novembre l’attaque est lancée. Le char Dunkerque, avec son chef José Caja est en tête. Il liquide une pièce d’artillerie PAK 88. Le char se trouve en bas de la Rue de Verdun à Sarrebourg. Un tir isolé : Caja est tué. Le char continue son trajet vers Sarraltroff. Les artificiers allemands font sauter le pont de la Sarre, à proximité du moulin Rein. Les blindés passent alors par un gué au niveau du moulin de la Schneymühle.

La carte indique le mouvement d'ensemble des groupements de la 2ème DB fonçant sur Strasbourg dont celui de Robert Quilichini qui fera étape à Sarraltroff.Les zones hachurées sont celles des 2 lignes de défense allemandes(minées par endroits).

Quilichini fait halte à Sarraltroff, dans la grange de Louis Karleskind (près du feu tricolore actuel), où il établit son PC. Le lendemain, il se dirige vers Hilbesheim puis Strasbourg.

Photo du Commandant Robert QUILICHINI du groupement tactique du Colonel DIO qui mena l'attaque sur Sarrebourg et Sarraltroff.Il installa son PC dans la grange de la maison de Louis Karleskind au N° 2 rue de Sarrrebourg(à côté des feux tricolores) où il passa la nuit avant de prendre la direction de Hilbesheim le lendemain et d'enlever la position de Mittelbronn.

L’armistice est signé le 8 mai 1945. Entre temps, la paix s’installe mais les deux monnaies, françaises et allemandes sont utilisées jusqu’au 1er mars 1945, puis échangées. Des tickets de rationnements sont institués. Le marché noir continue malgré tout encore des années à cause de la pénurie de biens de consommation. Ce ne sera que vers 1950 qu’une vie à peu près acceptable fut retrouvée. Durant cette période 1939-1945, ont déplora 20 victimes dans le village du fait de la guerre.

Cimetière militaire de Sarraltroff-commémoration de l'armistice

Le premier était constitué de 2 stèles à l'entrée de l'église(guerre 14/18)

L’après guerre

Avec le retour de la paix il faut reconstruire. Cette période ne fut pas facile. Le village connaît toujours une vocation agricole.
Un remembrement est projeté en 1949 mais il échoue. L’enquête de l’époque nous apprend qu’on y cultive la betterave, les céréales, les pommes de terre, il y a beaucoup de jardins. Le parcellaire permet de recenser 9043 parcelles. On dénombre encore 24 exploitants utilisant des chevaux, 57 ont des vaches attelées, 40 exploitants ont recours à des voisins pour les gros travaux.
Le tracteur et la mécanisation seront les faits les plus marquants des 50 années d’après guerre. Avec le repli du nombre d’agriculteurs, en 2006, il n’y a plus que 5 exploitants, les cultures se résument essentiellement à celle du maïs, on élève des bovins soit pour la viande, soit pour le lait. La coopérative laitière disparaît en 1978, le train ne s’arrête plus depuis mai 2000 (autorail), des lotissements se développent autour du village.
En 1975 est inaugurée la nouvelle mairie.
En 1981, le réseau d’eau, mal adapté, est raccordé à celui du Syndicat des Eaux de Wintersbourg.
Une nouvelle école est construite en 1994-1995 en remplacement d’un groupe scolaire construit en 1966, mais en 2005-2006, par manque d’élèves, on doit fermer une classe dans le primaire.

Presbytère de la paroisse centre,l'église et l'école primaire

Ecole maternelle

En 1999 la commune de Sarraltroff adhère à la Communauté de Communes de l’Agglomération de Sarrebourg, en 2006-2007 la ligne Très Haute Tension (THT) 400.000 volts entre Vigy et Marlenheim doit passer par Sarraltroff et le Poste Electrique de Sarrebourg Nord (situé Route de Verdun à Sarrebourg) sera déplacé et installé sur les bans de Sarraltroff et Hilbesheim (au lieu-dit Bergholtz), le remembrement devrait s’achever.

La station 400000 volts du Bergholz

Depuis 2007 les TGV de Strasbourg à Paris traversent le centre du village sur la voie ancienne. En 2016 ils passeront toujours mais en voie nouvelle.

Un TGV sur voie ancienne

Les travaux de la ligne à grande vitesse ont débuté après l'acquisition des terrains débutée en 2009 par la mise en chantier sur toute la ligne et le viaduc en 2011. La mise en circulation de la LGV d'un point de vue commercial est prévue pour 2016. La LGV traverse le banc communal de Sarraltroff sur 3,9 km. Un viaduc de 441 m de long enjambe la vallée de la Sarre. Le passage du TGV créera beaucoup de remous dans le village qui se manifestera massivement lors de l'enquête publique en 1993 (plus de 150 personnes se sont manifestées lors de la DUP de 1993,le score le plus élevé sur toute la ligne). Et plus tard pour l'allongement du viaduc lors de l’enquête complémentaire Loi sur l’eau et surtout contre le projet de carrière l’opposition fut rude également. Ces épisodes eurent une fin heureuse et le viaduc dessiné par l'architecte messin Jean-Louis Jolin est inauguré le 25 juillet 2012.
Le remembrement est achevé, il reste à redessiner le paysage après ce qui constituera probablement le plus grand remaniement de ces derniers siècles à Sarraltroff.

Viaduc de la LGV en cours de réalisation

Il convient de noter que lors des fouilles préventives les archéologues mirent au jour les vestiges d’une villa gallo-romaine et de 2 fermes gauloises. Dans la villa gallo-romaine, ils tombèrent sur les dépouilles de 2 soldats français enterrés là à la hâte lors de la bataille du 18 au 20 août 1914.

Vue sur les fouilles de sauvetage sur la LGV qui ont mis au jour une villa gallo-romaine

En 2012 des géologues mirent au jour les restes fossilisés d’un Nothosaure, reptile marin à tête proche de celle du crocodile, vieux d’environ 250 millions d’années.

En 2011 la commune inaugurait la place du Juste Antoine Corriger, né à Sarraltroff en 1884, qui avait sauvé la vie à 15 juifs dans sa paroisse de Chaumontel en Val d’Oise, de 1941 à 1944. (voir détail)

Vue hivernale

Sarraltroff est toujours un village agricole mais est devenu un village dortoir.

CONCLUSION :

Cette histoire de Sarraltroff qui mêle grands et petits évènements a été réalisé à partir du livre « SARRALTROFF, 2400 ANS DEJA » de Robert Beauvais, Emile Muller, et Bertrand Kugler. La narration en est volontairement un peu différente en choisissant un mode chronologique. Les grands bouleversements ont été vécus à Sarraltroff comme partout ailleurs. Une certaine continuité est perceptible, avec l’agriculture, la vie villageoise, la Sarre axe de passage.
Un monde nouveau a fait éclater les structures traditionnelles, ce grand changement a été perceptible en 1914 qui est une période charnière avec la mécanisation. Un nouveau coup d’accélérateur a été donné vers la fin du siècle dernier. La technologie supplante la technique, beaucoup d’habitants travaillent loin de leur domicile, il y a moins de mères au foyer, la télévision a fait pénétrer « le monde » dans la vie des gens.

Que sera le 3e millénaire ? Une nouvelle histoire commence…



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